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CONTES ORIENTAUX

LV

Au lieu de m’abandonner au plaisir et de vivre comme auparavant, je résolus d’embrasser la profession de mon père. Je me connaissais bien en pierreries et j’avais lieu d’espérer que je ne ferais point mal mes affaires. Je m’associai avec deux marchands joailliers de Bagdad, qui avaient été amis d’Abdallah et qui devaient aller trafiquer à Ormus. Nous nous rendîmes tous trois à Basra ; nous affrétâmes un vaisseau et nous nous embarquâmes sur le golfe qui porte le nom de cette ville.

Nous vivions en bonne intelligence et notre vaisseau, poussé par un vent favorable, fendait légèrement les flots. Nous passions les jours à nous réjouir, et le cours de notre navigation allait finir au gré de nos souhaits, quand mes deux associés me firent connaître que je n’étais pas entré en société avec de fort honnêtes gens. Nous étions près d’arriver à la pointe du golfe et de prendre terre, ce qui nous mit de bonne humeur. Dans la joie qui nous animait, nous n’épargnâmes pas les vins exquis[1], dont nous avions eu soin de faire provision à Basra. Après avoir bien bu, je m’endormis, au milieu de la nuit, tout habillé, sur un sofa. Tandis que je dormais d’un profond sommeil, mes associés me prirent entre leurs bras, et, par une fenêtre du vaisseau, me précipitèrent dans la mer. Je devais trouver la

  1. On sait que quoique le vin soit défendu aux Mahométans, beaucoup ne se font pas scrupule d’en boire en particulier.