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LES MILLE ET UN JOURS

chose qui me reste, et qui ne suffira tout au plus qu’à me nourrir quelques années, que faudra-t-il que je devienne ? Je serai réduit à demander l’aumône ou à mourir de faim. Quelle alternative ! Il vaut mieux que je me pende tout à l’heure ; je ne saurais trop tôt affranchir mon esprit de ces idées cruelles. »

En disant cela, j’allai acheter un cordeau ; j’entrai dans mon jardin et m’approchai de l’arbre que mon père m’avait marqué, et qui me parut, en effet, fort propre pour mon dessein. Je mis au pied de cet arbre deux grosses pierres, sur lesquelles étant monté, je levai les bras pour attacher à une grosse branche la corde par un bout ; je fis de l’autre un nœud coulant que je me passai au cou ; ensuite je m’élançai en l’air de dessus les deux pierres. Le nœud coulant, que j’avais fort bien fait, allait m’étrangler, lorsque la branche où le cordeau fatal était attaché, cédant au poids qui l’entraînait, se détacha du tronc auquel elle ne tenait que faiblement, et tomba avec moi.

Je fus d’abord très mortifié d’avoir fait un effort inutile pour me pendre ; mais, en regardant la branche qui avait si mal servi mon désespoir, je m’aperçus avec surprise qu’il en sortait quelques diamants, et qu’elle était creuse, aussi bien que tout le tronc de l’arbre. Je courus chercher une hache dans la maison et je coupai l’arbre, que je trouvai plein de rubis, d’émeraudes et d’autres pierres précieuses ; j’ôtai vite de mon cou le nœud coulant, et passai du désespoir à la joie la plus vive.