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LES MILLE ET UN JOURS

société ? — Je vais vous obéir, seigneur, répondit le vizir, et vous découvrir la cause de mes secrets ennuis, en vous racontant l’histoire de ma vie. »

LIV

HISTOIRE D’ATALMUC, SURNOMMÉ LE VIZIR TRISTE ET DE LA PRINCESSE ZÉLICA-BEGHUME

« Je suis fils unique d’un riche joaillier de Bagdad. Mon père, qui se nommait Coaja-Abdallah, n’épargna rien pour mon éducation ; il me donna, presque dès mon enfance, des maîtres qui m’enseignèrent diverses sortes de sciences, comme la philosophie, le droit, la théologie et surtout il me fit apprendre toutes les langues différentes qui se parlent dans l’Asie, afin que si je voyageais un jour dans cette partie du monde, cela me pût être utile dans mes voyages.

J’aimais naturellement le plaisir et la dépense ; mon père s’en aperçut avec douleur ; il tâcha même, par de sages remontrances, de détruire en moi ce penchant ; mais quelles impressions peuvent faire sur un fils libertin les discours sensés d’un père ? J’écoutais sans attention ceux d’Abdallah, ou je les imputais au chagrin de la vieillesse. Un jour que je me promenais avec lui dans le jardin de notre maison et qu’il blâmait ma conduite à son ordinaire, il me dit : « Ô mon fils ! j’ai remarqué jusqu’ici que mes réprimandes n’ont fait que te fatiguer ; mais tu seras bientôt débarrassé d’un censeur importun ; l’ange de la mort n’est pas éloigné de moi ; je vais