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LES MILLE ET UN JOURS

toutes qu’elle était très intéressante, et que Calaf leur paraissait un prince vertueux et un parfait amant. « Pour moi, dit alors la princesse, je le trouve plus vain qu’amoureux, un peu étourdi, en un mot, ce qu’on appelle un jeune homme. — Eh bien, ma princesse, dit la nourrice, puisque Calaf ne satisfait point votre délicatesse, je vais, si vous voulez me le permettre, vous raconter l’histoire d’un roi de Damas et de son vizir ; peut-être en serez-vous plus contente ? — Très volontiers, repartit Farrukhnaz ; mes femmes aiment trop vos récits pour ne leur pas donner le plaisir de vous entendre : il est vrai que vous savez faire d’agréables portraits ; mais Sutlumemé, ajouta-t-elle, ma chère Sutlumemé, vous avez beau peindre les hommes avec les plus belles couleurs, leurs défauts percent toujours au travers de vos peintures. »

HISTOIRE DU ROI BEDREDDIN-LOLO ET DE SON VIZIR ATALMUC, SURNOMMÉ LE VIZIR TRISTE

« Bedreddin-Lolo, roi de Damas, reprit la nourrice, avait pour grand-vizir un homme de bien, à ce que rapporte l’histoire de son temps. Ce ministre, qui se nommait Atalmuc[1], était bien digne du beau nom qu’il portait : il avait un zèle infatigable pour le service du roi, une vigilance qu’on ne pouvait tromper, un génie pénétrant et fort étendu, et avec cela un désintéressement que tous les peuples admiraient ; mais il fut surnommé le vizir triste, parce qu’il paraissait ordinairement plongé dans une profonde mélancolie. Il était toujours sérieux, quelque action

  1. Présent fait au royaume.