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LES MILLE ET UN JOURS

les funestes nœuds qui vont vous lier l’un à l’autre. Mais puisque mon artifice a été inutile, et que vous vous déterminez à épouser votre amant, je n’ai point d’autre parti à prendre que celui-ci. » En achevant ces mots, elle tira de dessous sa robe un kandjar et se le plongea dans le sein.

L

Toute l’assemblée frémit à cette action. Altoun-Kan en fut saisi d’horreur ; Calaf sentit diminuer sa joie, et Tourandocte, en jetant un grand cri, descendit de son trône pour aller secourir la princesse esclave et l’empêcher de périr s’il était possible. L’autre esclave favorite accourut aussi dans le même dessein, ainsi que les deux autres qui tenaient l’encre et le papier ; mais avant quelles arrivassent, la malheureuse amante du fils de Timurtasch, comme si le coup qu’elle s’était donné n’eût pas suffi pour lui arracher la vie, retira son poignard et s’en frappa une seconde fois. Tout ce qu’elles purent faire, ce fut de recevoir dans leurs bras son corps chancelant. « Adelmuc, lui dit la princesse de la Chine tout éplorée, ma chère Adelmuc, qu’avez-vous fait ? fallait-il vous porter à cette extrémité ? pourquoi ne m’avez-vous pas ouvert votre cœur cette nuit ? que ne me disiez-vous que vous perdriez la vie si j’épousais le prince Calaf ? quels efforts n’aurais-je pas faits pour une rivale telle que vous ? »

À ces paroles, la princesse esclave ouvrant les yeux, que déjà la mort commençait à fermer, les tourna d’un air languissant vers Tourandocte et lui