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LES MILLE ET UN JOURS

longtemps, et qu’il désespérait d’avoir jamais. Oui, l’aversion que vous aviez pour les hommes, cette aversion si contraire à la nature, m’ôtait la douce espérance de voir naître de vous des princes de mon sang. Heureusement cette haine finit aujourd’hui son cours, et, ce qui met le comble à mes souhaits, vous venez de l’éteindre en faveur d’un jeune héros qui m’est cher : mais apprenez-nous, ajouta-t-il, comment vous avez pu deviner le nom d’un prince qui vous était inconnu ? Par quel charme l’avez-vous découverte ? — Seigneur, répondit Tourandocte, ce n’est point par enchantement que je l’ai su, c’est par une aventure assez naturelle ; une de mes esclaves a été trouver cette nuit le prince Calaf et a eu l’adresse de lui arracher son secret : il doit me pardonner d’avoir profité de cette trahison, puisque je n’en fais pas un mauvais usage.

— Ah ! charmante Tourandocte, s’écria le prince des Nogaïs en cet endroit : Est-il bien possible que vous ayez pour moi des sentiments si favorables ? de quel abîme affreux vous me retirez pour m’élever à la première place du monde. Hélas ! que j’étais injuste ; tandis que vous me prépariez un si beau sort, je vous croyais coupable de la plus noire de toutes les perfidies. Trompé par une horrible fable qui avait troublé ma raison, je payais vos bontés de soupçons injurieux. Que j’ai d’impatience d’expier à vos pieds mon injustice ! »

L’amoureux fils de Timurtasch allait continuer de se répandre en discours tendres et passionnés, lorsque tout à coup il fut obligé de se taire pour écouter et considérer une esclave qui jusque-là s’était tenue debout derrière la princesse de la Chine, et qui s’avançant alors au milieu de l’assemblée,