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CONTES ORIENTAUX

XLIX

Après que le prince Calaf fut revenu de son évanouissement par les soins des mandarins et du roi même, qui était descendu de son trône pour le secourir, il adressa la parole à Tourandocte : « Belle princesse, lui dit-il, vous êtes dans l’erreur si vous croyez avoir bien répondu à ma question ; le fils de Timurtasch n’est point comblé de joie et de gloire, il est plutôt couvert de honte et accablé de douleur. — Je conviens, dit la princesse, que vous n’êtes point comblé de joie et de gloire en ce moment, mais vous l’étiez quand vous m’avez proposé votre question ; ainsi, prince, au lieu d’avoir recours à de vaines subtilités, avouez de bonne foi que vous avez perdu les droits que vous aviez sur Tourandocte. Je puis donc vous refuser ma main et vous abandonner au regret de l’avoir manquée : cependant, je veux bien vous l’apprendre et le déclarer ici publiquement, je suis dans une autre disposition à votre égard ; l’amitié que le roi mon père à conçue pour vous, et votre mérite particulier, me déterminent à vous prendre pour époux. »

À ce discours, la salle du divan retentit de mille cris de joie. Les mandarins et les docteurs applaudirent aux paroles de la princesse ; le roi s’approcha d’elle, l’embrassa et lui dit : « Ma fille, vous ne pouviez prendre une résolution qui me fût plus agréable : par là, vous effacerez la mauvaise impression que vous aviez faite sur l’esprit de mes peuples, et vous donnerez à un père la satisfaction qu’il attendait de vous depuis