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LES MILLE ET UN JOURS

on vous donnerait une année entière pour y penser, je crois que malgré votre pénétration vous seriez obligée d’avouer à la fin que c’est une chose impénétrable pour vous. Ainsi, puisque vous ne sauriez la deviner, rendez-vous de bonne grâce à l’amour de ce prince, et satisfaites l’envie que j’ai de le voir votre époux ; il est digne de l’être et de régner avec vous après moi sur les peuples de la Chine. — Seigneur, dit Tourandocte, pourquoi vous imaginez-vous que je ne saurais répondre à la question de ce prince ? Cela n’est pas si difficile que vous le pensez ; si j’eus hier la honte d’être vaincue, je prétends avoir l’honneur de vaincre. Je vais confondre ce jeune téméraire, qui a eu trop mauvaise opinion de mon esprit. Qu’il me fasse sa question et j’y répondrai.

— Madame, dit alors le prince des Nogaïs, je vous demande quel est le prince qui, après avoir souffert mille fatigues et mendié son pain, se trouve en ce moment comblé de joie et de gloire ? — Ce prince, répartit Tourandocte, se nomme Calaf, et il est le fils de Timurtasch. « Aussitôt que Calaf entendit prononcer son nom, il changea de couleur ; ses yeux se couvrirent d’épaisses ténèbres, et il tomba tout à coup sans sentiment. Le roi et toute l’assemblée jugeant par là que Tourandocte avait effectivement nommé le prince dont on lui demandait le nom, pâlirent et demeurèrent dans une grande consternation.