Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
LES MILLE ET UN JOURS

XLVIII

Ce jeune prince, après le départ de la dame, demeura sur le sofa dans une grande perplexité. « Dois-je croire, disait-il, ce que je viens d’entendre ? Peut-on jusque-là pousser la barbarie ? Mais, hélas ! je n’en saurais douter : cette princesse esclave a eu horreur de l’attentat que médite Tourandocte, elle est venue m’en avertir, et les sentiments même qu’elle m’a laissé voir sont de sûrs garants de sa sincérité. Ah ! cruelle fille du meilleur de tous les rois, est-ce ainsi que vous abusez des dons que vous avez reçus du ciel ? Ô Dieu ! comment avez-vous pu douer d’une beauté si parfaite cette princesse inhumaine, ou, pourquoi lui avez-vous donné une âme si barbare avec tant de charmes ? »

Au lieu de chercher à se procurer quelques heures de sommeil, il passa le reste de la nuit à se livrer aux plus affligeantes réflexions. Enfin le jour parut, le son des cloches et le bruit des tambours se firent entendre, et bientôt six mandarins le vinrent prendre, comme le jour précédent pour le mener au conseil. Il traversa la cour, où des soldats de la garde du roi étaient en haie ; il crut qu’il laisserait la vie en cet endroit, et que sans doute les gens dont on avait fait choix pour l’assassiner, l’attendaient au passage. Loin de se tenir sur ses gardes et de songer à se défendre, il marchait comme un homme résolu à la mort, et semblait même accuser de lenteur ses assassins. Il passa pourtant la cour sans que personne l’attaquât, et il arriva