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CONTES ORIENTAUX

aux questions de la fille d’Altoun-Kan ; et lorsque vous y avez bien répondu, j’ai senti naître un autre trouble : je pressentais sans doute qu’on attenterait à vos jours. Ah ! mon cher prince, ajouta-t-elle, je vous conjure de réfléchir sur vous-même, et de ne vous point laisser entraîner à cette fureur qui vous fait envisager la mort sans pâlir. Qu’un aveugle amour ne vous fasse point mépriser un péril qui m’alarme : cédez à la crainte qui m’agite pour vous, et tous deux, sans différer, sortons de ce sérail où je souffre un cruel tourment.

— Ma princesse, repartit à ces paroles le fils de Timurtasch, quelque malheur qui me doive arriver, je ne puis me résoudre à une si prompte fuite. Vous avez, je l’avoue, de quoi payer votre libérateur, et lui faire un destin plein de charmes ; mais je ne suis pas né pour être heureux ; mon sort est d’aimer Tourandocte, malgré l’horreur qu’elle a pour moi. Je ne ferais loin de ses yeux, que traîner des jours languissants… — Hé bien, ingrat, demeure, interrompit brusquement la dame en se levant. Ne t’éloigne pas de ce séjour qui fait tes délices, quand tu devrais l’arroser de ton sang. Je ne te presse plus de partir, la fuite te déplais avec une esclave ; si tu vois le fond de mon cœur, je lis dans le tien : quelque ardeur que t’inspire la princesse de la Chine, tu as moins d’amour pour elle que d’aversion pour moi. » En achevant ces mots, elle remit son voile et sortit de l’appartement de Calaf.