Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
LES MILLE ET UN JOURS

y pouriez trouver quelque princesse assez belle pour mériter d’être aimée, et qui, bien loin d’attenter à votre vie pour ne pas devenir votre femme, ne sera occupée que du soin de vous plaire, si elle peut faire le bonheur d’un prince tel que vous. Ne perdons point de temps, allons, et que demain le soleil en commençant sa course nous trouve déjà bien éloignés de Pékin. »

Calaf répondit : « Belle princesse, j’ai mille grâces à vous rendre de m’avoir voulu délivrer du danger où je suis. Que ne puis-je par reconnaissance, vous conduire à la horde du kan de Berlas, votre parent ! Que j’aurais de plaisir à vous remettre entre ses mains ! Par là je m’acquitterais de quelques obligations que je lui ai. Mais, dites-moi, Canume, dois-je ainsi disparaître aux yeux d’Altoun-Kan ? Que penserait-il de moi ? Il croirait que je ne serais venu dans sa cour que pour vous enlever ; et dans le temps que je ne fuirais que pour épargner un crime à sa fille, il m’accuserait d’avoir violé les droits de l’hospitalité. D’ailleurs, faut-il vous l’avouer, toute barbare qu’est la princesse de la Chine, mon lâche cœur ne saurait la haïr. Que dis-je, la haïr ! je l’adore : je suis dévoué à toutes ses volontés, et puisqu’elle veut m’immoler, la victime est toute prête. »

La dame esclave voyant le prince des Nogaïs dans la résolution de mourir plutôt que de partir avec elle, se prit à pleurer en lui disant : « Est-il possible, seigneur, que vous préfériez la mort à la reconnaissance d’une princesse captive dont vous pouvez briser les fers ? Si Tourandocte est plus belle que moi, en récompense j’ai un autre cœur que le sien. Hélas ! quand vous vous êtes présenté ce matin au divan, j’ai tremblé pour vous ; j’ai craint que vous ne répondissiez pas