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CONTES ORIENTAUX

préparez à couronner la tendresse du malheureux fils de Timurtasch ? Calaf vous a donc paru bien horrible, puisque vous aimiez mieux vous en défaire par un crime qui va vous déshonorer, que de joindre votre destinée à la sienne. Grand Dieu ! que ma vie est composée d’aventures bizarres ! Tantôt je parais jouir d’un bonheur digne d’envie, et tantôt je suis plongé dans un abîme de maux.

— Seigneur, lui dit la dame esclave, si le ciel vous fait éprouver des malheurs, il ne veut pas du moins que vous y succombiez, puisqu’il vous avertit des périls qui vous menacent. Oui, prince, c’est lui qui m’a sans doute inspiré la pensée de vous sauver, car je ne viens pas seulement vous découvrir un piège dressé contre vos jours, je viens vous donner les moyens de l’éviter. Par le moyen de quelques eunuques qui me sont dévoués, j’ai gagné des soldats de la garde, qui vous faciliteront la sortie du sérail. Comme après votre retraite on ne manquera pas de faire des perquisitions et d’apprendre que j’en suis l’auteur, j’ai résolu de partir avec vous, pour m’éloigner de cette fatale cour, où j’ai plus d’un sujet d’ennui ; mon esclavage me la fait haïr et vous me la rendez encore plus odieuse.

Il y a, continua-t-elle, dans un endroit de cette ville, des chevaux qui nous attendent : partons, et gagnons, s’il est possible, les terres de la tribu de Berlas. Le sang me lie avec le prince Alinguer qui en est le souverain ; il aura une extrême joie de voir sa parente hors des fers du superbe Altoun-Kan, et il vous recevra comme mon libérateur. Nous vivrons tous deux sous ses tentes, plus tranquilles et plus heureux qu’ici ; moi, dégagée des liens de ma captivité, j’y jouirai d’un sort plus doux ; et vous, seigneur, vous