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LES MILLE ET UN JOURS

XLVI

Le jeune prince des Nogaïs, conduit par des eunuques qui portaient dans des flambeaux d’or des bougies de serpent[1], se préparaît à goûter la douceur du sommeil, autant que l’impatience de retourner au divan pouvait le lui permettre, lorsqu’en entrant dans son appartement, il y trouva une jeune dame revêtue d’une robe de brocart rouge à fleurs d’argent, fort ample, par-dessus une autre plus étroite, de satin blanc, tout brodé d’or et parsemé de rubis et d’émeraudes. Elle avait un bonnet d’un simple taffetas de couleur rose, garni de perles et relevé d’une broderie d’argent fort légère, qui ne couvrait que le haut de la tête, et laissait voir de très beaux cheveux bien bouclés et mêlés de quelques fleurs artificielles. À l’égard de sa taille et de son visage, on ne pouvait rien voir de plus beau ni de plus parfait après la princesse de la Chine.

Le fils de Timurtasch fut assez surpris de rencontrer, au milieu de la nuit, une dame seule et si charmante dans son appartement. Il ne l’aurait pas impunément regardée, s’il n’eût vu Tourandocte, mais un amant de cette princesse pouvait-il avoir des yeux pour une autre ? Sitôt que la dame aperçut Calaf, elle se leva de dessus un sofa où elle était assise, et sur lequel elle avait mis son voile ; et après avoir fait une inclination de tête assez basse : « Prince, dit-elle, je ne doute pas que vous ne soyez fort

  1. Bougies faites de l’huile d’une certaine espèce de serpent, mélée avec un peu de cire.