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LES MILLE ET UN JOURS

tous les applaudissements que les docteurs, lui ont donnés m’ont tellement mortifiée, que je n’ai plus senti et ne sens plus encore pour lui que des mouvements de haine. Ô malheureuse Tourandocte ! meurs promptement de regret et de dépit d’avoir trouvé un jeune homme qui a pu te couvrir de honte, et te contraindre à devenir sa femme. »

À ces mots, elle redoubla ses pleurs, et, dans la violence de ses transports, elle n’épargna ni ses cheveux ni ses habits : elle porta même plus d’une fois la main sur ses belles joues pour les déchirer et pour punir ses charmes, comme premiers auteurs de la confusion qu’elle avait essuyée, si ses esclaves, qui veillaient sur sa fureur, n’en eussent sauvé son visage ; mais elles avaient beau s’empresser à la secourir, elles ne pouvaient calmer son agitation. Pendant qu’elle était dans cet état affreux, le prince des Nogaïs, charmé du résultat du divan, nageait dans la joie et se livrait à l’espérance de posséder sa maîtresse le jour suivant.

XLV

Le roi étant revenu de la salle du conseil dans son appartement, envoya chercher Calaf pour l’entretenir en particulier sur ce qui s’était passé au divan ; le prince des Nogaïs accourut aussitôt aux ordres du monarque, qui lui dit, après l’avoir embrassé avec beaucoup de tendresse : « Ah ! mon fils, vient m’ôter de l’inquiétude où je suis ; je crains que ma fille ne