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LES MILLE ET UN JOURS

XLIV

La princesse Tourandocte regagna son palais, suivie de deux jeunes esclaves qui étaient dans sa confidence. Dès qu’elle fut dans son appartement, elle ôta son voile, et se jetant sur un sopha, elle donna une libre étendue aux transports qui l’agitaient. On voyait la honte et la douleur peintes sur son visage ; ses yeux, déjà baignés de pleurs, répandirent de nouvelles larmes ; elle arracha les fleurs qui paraient sa tête, et mit ses beaux cheveux en désordre. Ses deux esclaves favorites commencèrent à la vouloir consoler, mais elle leur dit : « Laissez-moi l’une et l’autre ; cessez de prendre des soins superflus ; je n’écoute rien que mon désespoir, je veux pleurer et m’affliger. Ah ! quelle sera demain ma confession lorsqu’il faudra qu’en plein conseil, devant les plus grands docteurs de la Chine, j’avoue que je ne puis répondre à la question proposée. Est-ce là, diront-ils, cette spirituelle princesse qui se pique de savoir tout, et à qui l’énigme la plus difficile ne coûte rien à deviner !

Hélas ! poursuivit-elle, ils s’intéressent tous pour le jeune prince ; je les ai vu pâles, effrayés, quand il a paru embarrassé, et je les ai vus pleins de joie lorsqu’il a pénétré le sens de mes questions. J’aurai la mortification cruelle de les voir encore jouir de ma peine ; quand je me confesserai vaincue, quel plaisir ne leur fera pas cet aveu honteux, et quel supplice pour moi d’être réduite à le faire !

— Ma princesse, lui dit une des esclaves, au