Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
LES MILLE ET UN JOURS

victoire, répondit la princesse en remettant son voile pour cacher sa confusion et les pleurs qu’elle ne pouvait s’empêcher de répandre : j’ai d’autres questions à lui faire, mais je les lui proposerai demain. — Oh ! pour cela, non, repartit le roi ; je ne permettrai point que vous lui fassiez des questions à l’infini ; tout ce que je puis souffrir, c’est que vous lui en proposiez encore une tout à l’heure. » La princesse s’en défendit, en disant qu’elle n’avait préparé que celles qui venaient d’être interprétées, et elle pria le roi son père de ne lui pas refuser la permission d’interroger le prince le jour suivant.

« C’est ce que je ne veux pas vous accorder, s’écria le monarque de la Chine en colère, vous ne cherchez qu’à mettre l’esprit de ce jeune prince en défaut, et moi je ne songe qu’à dégager l’affreux serment que j’ai eu l’imprudence de faire. Ah ! cruelle, vous ne respirez que le sang ; et la mort de vos amants est un doux spectacle pour vous. La reine votre mère, touchée des premiers malheurs que vous avez causés, se laissa mourir de douleur d’avoir mis au monde une fille si barbare ; et moi, vous ne l’ignorez pas, je suis plongé dans une mélancolie que rien ne peut dissiper depuis que je vois les suites funestes de la complaisance que j’ai eue pour vous ; mais grâce aux esprits qui président au ciel, au soleil et à la lune, et à qui mes sacrifices ont été agréables, on ne fera plus dans mon palais de ces horribles exécutions qui rendent votre nom exécrable. Puisque ce prince a bien répondu à ce que vous lui avez proposé, je demande à toute cette assemblée s’il n’est pas juste qu’il soit votre époux ? » Les mandarins et les docteurs éclatèrent alors en murmures, et le colao prit la parole : « Seigneur, dit-il au roi, votre majesté