Quand le puissant monarque de la Chine eut ordonné aux mandarins et aux docteurs de s’asseoir, un des six seigneurs qui avaient conduits Calaf et qui était debout avec lui à quinze coudées des deux trônes, s’agenouilla et lut un mémoire qui contenait la demande que ce prince étranger faisait de la princesse Tourandocte. Ensuite il se releva et dit à Calaf de faire trois révérences au roi. Le prince des Nogaïs s’en acquitta de si bonne grâce, qu’Altoun-Kan ne put s’empêcher de lui sourire, pour lui témoigner qu’il le voyait avec plaisir.
Alors le colao se leva de sa place et lut à haute voix l’édit funeste qui condamnait à mort tous les amants téméraires qui répondaient mal aux questions de Tourandocte. Puis adressant la parole à Calaf : « Prince, lui dit-il, vous venez d’entendre à quelle condition on peut obtenir la princesse ; si l’image du péril présent fait quelque impression sur votre âme, il vous est encore permis de vous retirer. — Non, reprit le prince des Nogaïs ; le prix qu’il s’agit de remporter est trop beau pour avoir la lâcheté d’y renoncer. »
Le roi voyant Calaf disposé à répondre aux questions de Tourandocte, se tourna vers cette princesse, et lui dit : « Ma fille, c’est à vous de parler ; proposez à ce jeune prince les questions que vous avez préparées, et plaise à tous les esprits à qui l’on fit hier des sacrifices, qu’il pénètre le sens de vos paroles ! » Tourandocte, à ces mots, dit : « Je prends à témoin le