Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
CONTES ORIENTAUX

il osait se fier à son génie et se promettre un hereux succès, tantôt, perdant cette confiance, il se representait la honte qu’il aurait si ses réponses ne plaisaient pas au divan. Il pensait aussi quelquefois à Elmaze et à Timurtasch : « Hêlas ! disait-il, si je meurs, que deviendront mon père et ma mère ? »

Le jour le surprit dans cette confusion de sentiments. Aussitôt il entendit le son de plusieurs cloches avec un grand bruit de tambours. Il jugea que c’était pour appeler au conseil tous ceux qui devaient s’y trouver. Alors élevant sa pensée à Mahomet : « Ô grand prophète ! lui dit-il, vous voyez l’état où je suis ; inspirez-moi : faut-il que je me rende au divan ou que j’aille dire au roi que le péril m’épouvante ? » Il n’eut pas prononcé ces paroles, qu’il sentit évanouir toutes ses craintes et renaître son audace ; il se leva et se vêtit d’un caftan et d’un manteau d’une étoffe de soie rouge à fleurs d’or, qu’Altoun-Kan lui envoya, avec des bas et des souliers de soie bleue.

Comme il achevait de s’habiller, six mandarins bottés, et vêtus de robes fort larges et de couleur cramoisie, entrèrent dans son appartement ; et après l’avoir salué de la même manière que ceux du jour précédent, ils lui dirent qu’ils venaient de la part du roi le prendre pour le mener au divan. Il se laissa conduire ; ils traversèrent une cour en marchant au milieu d’une double haie de soldats, et quand ils furent arrivés dans la première salle du conseil, ils y trouvèrent plus de mille chanteurs et joueurs d’instruments, qui chantant et jouant tous ensemble de concert, faisaient un bruit étonnant. De là ils s’avancèrent dans la salle où se tenait le conseil et qui communiquait au palais intérieur.

Déjà toutes les personnes qui devaient assister à