Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
LES MILLE ET UN JOURS

questions de ma fille, tenaient le même langage, ils espéraient tous qu’ils en percevraient le sens, et ils n’ont pu en venir à bout. Hélas ! vous serez aussi la dupe de votre confiance ; encore une fois, mon fils, poursuivit-il, laissez-vous persuader ; je vous aime et veux vous sauver ; ne rendez pas ma bonne intention inutile par votre opiniâtreté ; quelque esprit que vous vous sentiez, défiez-vous-en : vous êtes dans l’erreur, de vous imaginer que vous pourrez répondre sur-le-champ à ce que la princesse vous proposera ; cependant vous n’aurez pas un demi-quart d’heure pour y rêver, c’est la règle. Si dans le moment vous ne faites pas une réponse juste et qui soit approuvée de tous les docteurs qui en seront les juges, aussitôt vous serez déclaré digne de mort, et vous serez conduit au supplice la nuit suivante. Ainsi, prince, retirez-vous ; passez le reste de la journée à songer au parti que vous avez à prendre ; consultez des personnes sages ; faites vos réflexions, et demain vous viendrez m’apprendre ce que vous aurez résolu. »

En achevant ces paroles, il quitta Calaf, qui sortit du palais fort mortifié de ce que le roi venait de lui représenter, et il revint chez son hôtesse, sans faire la moindre attention à l’affreux péril auquel il voulait s’exposer. Dès qu’il parut devant la vieille et qu’il eut conté ce qui s’était passé au palais, elle recommença à le haranguer et mettre encore tout en usage pour le détourner de son entreprise ; mais elle ne recueillit point d’autre fruit de ses nouveaux efforts, que de s’apercevoir qu’ils enflammaient son jeune hôte et le rendaient encore plus ferme dans sa résolution. En effet, il retourna le jour suivant au palais et se fit annoncer au roi, qui le reçut dans son cabinet, ne voulant pas que personne fût témoin de leur conversation.