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CONTES ORIENTAUX

supplice que votre majesté a fait souffrir au prince de Samarcande ; mais la fin déplorable de ces audacieux, qui se sont vainement flattés de la douce espérance de posséder la princesse Tourandocte, ne fait qu’irriter l’envie que j’ai de la mériter.

— Quelle fureur ! repartit le roi ; à peine un prince a-t-il perdu la vie qu’il s’en présente un autre pour avoir le même sort ; il semble qu’ils prennent plaisir à s’immoler ; quel aveuglement ! rentrez en vous-même, prince, et soyez moins prodigue de votre sang. Vous m’inspirez plus de pitié que tous ceux qui sont déjà venus chercher ici la mort ; je me sens naître de l’inclination pour vous et je veux faire tout mon possible pour vous empêcher de périr : retournez dans les États de votre père, et ne lui donnez pas le déplaisir d’apprendre par la renommée qu’il ne reverra plus son fils unique.

— Seigneur, repartit Calaf, il m’est bien doux d’entendre de la bouche même de votre majesté, que j’ai le bonheur de lui plaire ; j’en tire un heureux présage. Peut-être que, touché des malheurs que cause la beauté de la princesse, le ciel veut se servir de moi pour en arrêter le cours et assurer en même temps le repos de votre vie, que trouble la nécessité d’autoriser des actions si cruelles. Savez-vous, en effet, si je répondrai mal aux questions qu’on me fera ? Quelle certitude avez-vous que je périrai ? Si d’autres n’ont pu démêler le sens des paroles obscures de Tourandocte, est-ce à dire pour cela que je ne pourrai le pénétrer ? Non, seigneur, leur exemple ne saurait me faire renoncer à l’honneur éclatant de vous avoir pour beau-père. — Ah ! prince infortuné, répliqua le roi en s’attendrissant, vous voulez cesser de vivre : les amants qui se sont présentés avant vous pour répondre aux funestes