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CONTES ORIENTAUX

demanda quelle affaire il avait au palais : « Je suis un prince étranger, lui répondit le fils de Timurtasch, et je viens me présenter au roi pour le prier de m’accorder la permission de répondre aux questions de la princesse sa fille. » L’officier, à ces paroles, le regardant avec étonnement, lui dit : « Prince, savez-vous bien que vous venez ici chercher la mort ? Vous auriez mieux fait de demeurer dans votre pays que de former le dessein qui vous amène. Retournez sur vos pas, et ne vous flattez point de la trompeuse espérance que vous obtiendrez la barbare Tourandocte. Quand vous seriez plus habile qu’un mandarin de la science[1], vous ne percerez jamais le sens de ses paroles ambiguës. — Je vous rends grâces de votre conseil, reprit Calaf ; mais je ne suis pas venu jusqu’ici pour reculer. — Allez donc à votre mort, répliqua l’officier d’un air chagrin, puisqu’il n’est pas possible de vous en empêcher. » En même temps, il le laissa entrer dans le palais, et ensuite se tournant vers quelques autres officiers qui avaient entendu leur conversation : « Que ce prince, leur dit-il, est beau et bien fait ! C’est dommage qu’il meure si tôt. »

Cependant Calaf traversa plusieurs salles, et enfin se trouva dans celle où le roi avait coutume de donner audience à ses peuples : il y avait dedans un trône d’acier du Catay, fait en forme de dragon et haut de trois coudées ; quatre colonnes de la même matière et fort élevées, soutenaient au-dessus un vaste dais de satin jaune garni de pierreries. Altoun-Kan, revêtu d’un caftan de brocart d’or à fond rouge, était assis sur le trône avec un air de gravité que soutenait merveilleusement un bouquet de poils fort longs et partagé

  1. Savants chargés d’examiner ceux qui se présentent pour prendre des degrés.