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LES MILLE ET UN JOURS

aujourd’hui demander la princesse ; mais pour vous dire ce que je pense, je ne crois pas que votre prophète Jacmouny puisse me faire changer de résolution. »

Il ne sortit point de toute la journée de la maison de la veuve, qui ne manqua pas d’aller dans les hôpitaux distribuer des aumônes, et d’acheter, à beaux derniers comptants, l’intercession des bonzes[1] auprès de Berginghuzin : elle fit aussi sacrifier aux idoles des poules et des poissons. Les génies ne furent pas non plus oubliés ; on leur offrit en sacrifice du riz et des légumes, dans les lieux consacrés à cette cérémonie ; mais toutes les prières des bonzes et des ministres des idoles, quoique bien payées, ne produisirent pas l’effet que la bonne hôtesse de Calaf en avait attendu ; car, le lendemain matin, ce prince parut plus déterminé que jamais à demander Tourandocte : « Adieu, ma bonne mère, dit-il à la veuve, je suis fâché que vous vous soyez donné hier tant de peine pour moi : vous pouviez vous les épargner, car je vous avais assuré que je ne serais pas aujourd’hui dans d’autres sentiments. » À ces mots, il quitta la vieille, qui, se sentant saisie de la plus vive douleur, se couvrit le visage de son voile, et demeura la tête sur ses genoux, dans un accablement qu’on ne saurait exprimer.

Le jeune prince des Nogaïs, parfumé d’essence et plus beau que la lune, se rendit au palais. Il vit à la porte cinq éléphants liés, et des deux côtés étaient en haie deux mille soldats, le casque en tête, armés de boucliers et couverts de plaques de fer. Un des principaux officiers qui les commandait, jugeant à l’air de Calaf qu’il était étranger, l’arrêta, et lui

  1. Prêtres.