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CONTES ORIENTAUX

XXXVIII

La veuve prit la bourse de Calaf, en disant : « Ô mon fils ! vous vous trompez fort si vous vous imaginez que ces pièces d’or me consolent de votre perte ; je vais les employer en bonnes œuvres, en distribuer une partie dans les hôpitaux aux pauvres, qui souffrent patiemment leur misère, et dont, par conséquent, les prières sont si agréables à Dieu ; je donnerai le reste aux ministres de la religion, afin que tous ensemble ils prient le ciel de vous inspirer, et de ne pas permettre que vous vous exposiez à périr : toute la grâce que je vous demande, c’est de point aller aujourd’hui vous présenter pour répondre aux questions de Tourandocte ; attendez jusqu’à demain, le terme n’est pas long ; laissez-moi ce temps-là pour faire agir de bonnes âmes et mettre Jacmouny dans vos intérêts ; après cela, vous ferez tout ce qu’il vous plaira. Accordez-moi, je vous prie, cette satisfaction ; j’ose dire que vous la devez à une personne qui a déjà conçu pour vous tant d’amitié qu’elle serait inconsolable si vous périssiez. »

Effectivement Calaf avait un air qui prévenait d’abord en sa faveur : outre que c’était un des plus beaux princes du monde et des mieux faits, il avait des manières si aisées et si agréables, qu’on ne pouvait le voir sans l’aimer. Il fut touché de la douleur et de l’affection que cette bonne vieille faisait paraître : « Eh bien ! ma mère, lui dit, j’aurai pour vous la complaisance que vous exigez de moi : je n’irai point