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LES MILLE ET UN JOURS

perdez point de temps à me vouloir persuader, car rien ne saurait m’ébranler. »

Lorsque la vieille vit que son jeune hôte n’écoutait point ses conseils, son affliction en redoubla : « C’en est donc fait, seigneur, reprit-elle, on ne peut vous empêcher de courir à votre perte ; pourquoi faut-il que vous soyez venu loger dans ma maison ? pourquoi vous ai-je parlé de Tourandocte ? Vous en êtes devenu amoureux sur le portrait que je vous en ai fait ; malheureuse que je suis, c’est moi qui vous ai perdu : pourquoi faut-il que j’aie votre mort à me reprocher ? — Non, ma bonne mère, interrompit une seconde fois le prince des Nogaïs, ce n’est pas vous qui faites mon malheur ; ne vous imputez point l’amour que j’ai pour la princesse ; je devais l’aimer et je remplis mon sort ; d’ailleurs, qui vous a dit que je répondrais mal à ses questions ? Je ne suis ni sans étude, ni sans esprit, et le ciel peut-être m’a réservé l’honneur de délivrer le roi de la Chine des chagrins que lui cause un affreux serment. Mais, ajouta-t-il en tirant la bourse que le kan de Berlas lui avait donnée, et dans laquelle il y avait encore une assez grande quantité de pièces d’or, comme cela, je l’avoue, c’est incertain, et qu’il peut arriver que je meure, je vous fais présent de cette bourse pour vous consoler démon trépas ; vous pourrez même vendre aussi mon cheval et en garder l’argent ; car je n’en aurai pas besoin, soit que la fille d’Altoun-Kan devienne le prix de mon audace, soit que mon trépas en doive être le triste salaire. »