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CONTES ORIENTAUX

— Que dites-vous, mon fils ? répliqua la veuve. Quelle entreprise osez-vous former, et songez vous en effet à l’exécuter ? — Oui, ma bonne mère, repartit Calaf, je prétends aujourd’hui me présenter pour répondre aux questions de la princesse ; je ne suis venu à la Chine que pour offrir mon bras au grand roi Altoun-Kan, mais il vaut mieux être son gendre qu’un officier de ses armées. »

À ces paroles, la vieille se prit à pleurer. « Ah ! seigneur, dit-elle, au nom de Dieu, ne persistez pas dans une résolution si téméraire ; vous périrez sans doute, si vous êtes assez hardi pour aller demander la princesse ; au lieu d’être charmé de sa beauté, détestez-la plutôt, puisqu’elle est la cause de tant d’événements tragiques ; représentez-vous quelle sera la douleur de vos parents, lorsqu’ils recevront la nouvelle de votre mort ; soyez touché des déplaisirs mortels où vous les allez plonger. — De grâce, ma mère, interrompit le fils de Timurtasch, cessez de me présenter des images si capables de m’attendrir ; je n’ignore pas que si j’achève aujourd’hui ma destinée, ce sera pour les auteurs de ma naissance une source inépuisable de larmes ; peut-être même (car je connais leur tendresse pour moi) ne pourront-ils apprendre mon trépas sans se laisser mourir de douleur : quelque reconnaissance pourtant que leurs sentiments me doivent inspirer et qu’ils m’inspirent en effet, il faut que je cède à l’ardeur qui me domine ; mais, que dis-je ? n’est-ce pas aussi pour les rendre plus heureux que je veux exposer ma vie ? Oui, sans doute, leur intérêt s’accorde avec le désir qui me presse, et si mon père était ici, bien loin de s’opposer à mon dessein, il m’exciterait à l’exécuter promptement. C’est donc une chose résolue ; ne