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LES MILLE ET UN JOURS

Calaf, ayant pris la résolution de demander la princesse, retourna chez sa vieille veuve, dont il n’eut pas peu de peine à trouver la maison ; car il s’en était assez éloigné pendant la nuit. « Ah ! mon fils, lui dit l’hôtesse sitôt qu’elle l’aperçut, je suis ravie de vous revoir ; j’étais fort en peine de vous ; je craignais qu’il ne vous fût arrivé quelque fâcheux accident : pourquoi n’êtes-vous pas revenu plus tôt ? — Ma bonne mère, lui répondit-il, je suis fâché de vous avoir causé de l’inquiétude, mais je me suis égaré dans l’obscurité. » Ensuite il lui conta comment il avait rencontré le gouverneur du prince qu’on avait fait mourir, et il ne manqua pas de répéter tout ce que le gouverneur du prince lui avait dit, puis montrant le portrait de Tourandocte : « Voyez, dit-il, si cette peinture n’est qu’une image imparfaite de la princesse de la Chine : pour moi, je ne puis m’imaginer qu’elle n’égale pas la beauté de l’original.

— Par l’âme du prophète Jacmouny, s’écria la vieille après avoir examiné le portrait, la princesse est mille fois plus belle et plus charmante encore qu’elle n’est ici représentée : je voudrais que vous l’eussiez vue, vous seriez persuadé, comme moi, que tous les peintres du monde qui entreprendront de la peindre au naturel, n’y pourront réussir ; je n’en excepte pas même le fameux Many. — Vous me faites un plaisir extrême, reprit le prince des Nogaïs, de m’assurer que la beauté de Tourandocte est au-dessus de tous les efforts de la peinture. Que cette assurance me flatte ! elle m’affermit dans mon dessein et m’excite à tenter promptement une si belle aventure ; que ne suis-je déjà devant la princesse ! Je brûle d’impatience d’éprouver si je serai plus heureux que le prince de Samarcande. »