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LES MILLE ET UN JOURS

Samarcande, avec plusieurs portraits de princesses, qu’il avait faits dans les cours différentes par où il avait passé. Il les vint montrer à mon prince, qui lui dit en regardant les premiers qu’il lui présenta : « Voilà de fort belles peintures ; je suis persuadé que les originaux de ces portraits-là vous ont bien de l’obligation. — Seigneur, répondit le peintre, je conviens que ces portraits sont un peu flattés, mais je vous dirai en même temps que j’en ai un encore plus beau que ceux-là, et qui toutefois n’approche pas de son original. En parlant ainsi, il tira d’une petite cassette où étaient ses portraits, celui de la princesse de la Chine.

À peine mon maître l’eut-il entre ses mains que, ne pouvant s’imaginer que la nature fût capable de produire une beauté si parfaite, il s’écria qu’il n’y avait point au monde de femme si charmante, et que le portrait de la princesse de la Chine devait être encore plus flatté que les autres. Le peintre protesta qu’il ne l’était point, et assura que jamais aucun pinceau ne pourrait rendre la grâce et l’agrément qu’il y avait dans le visage de la princesse Tourandocte. Sur cette assurance, mon maître acheta le portrait, qui fit sur lui une si vive impression qu’abandonnant un jour la cour de son père, il sortit de Samarcande accompagné de moi seul ; et, sans me dire son dessein, il prit la route de la Chine et vint dans cette ville. Il se proposait de servir quelque temps Altoun-Kan contre ses ennemis, et de lui demander ensuite la princesse en mariage, mais nous apprîmes en arrivant la rigueur de l’édit ; et, ce qu’il y a de plus étrange, c’est que mon prince, au lieu d’être vivement affligé de cette nouvelle, en conçut de la joie. « Je vais, me dit il, me présenter pour répondre aux questions de Tourandocte. Je ne manque pas d’esprit, j’obtiendrai cette princesse. »