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LES MILLE ET UN JOURS

N’est-il pas vrai encore que le roi a fait tous ses efforts pour vous détourner de votre téméraire résolution ? » Le prince ayant répondu que oui : « Reconnaissez-donc, reprit le mandarin, que c’est votre faute si vous perdez aujourd’hui la vie, et que le roi et la princesse ne sont pas coupables de votre mort. — Je la leur pardonne, repartit le prince, je ne l’impute qu’à moi-même, et je prie le ciel de ne leur demander jamais compte du sang qu’on va répandre. »

Il n’eut pas achevé ces paroles que l’exécuteur lui abattit la tête d’un coup de sabre. L’air, à l’instant, retentit de nouveau du son des cloches et du bruit des tambours. Cependant douze mandarins vinrent prendre le corps ; ils l’enfermèrent dans un cercueil d’ivoire et d’ébène, et le mirent dans une petite litière, que six d’entre eux portèrent sur leurs épaules dans le jardin du sérail, sous un dôme de marbre blanc, que le roi avait fait bâtir exprès pour être le lieu de la sépulture de tous les malheureux princes qui devaient avoir le même sort. Il allait souvent pleurer sur le tombeau de ceux qui y étaient, et il tâchait, en honorant leurs cendres, d’expier en quelque façon la barbarie de sa fille.

XXXVI

D’abord que les mandarins eurent emporté le prince qui venait de périr, le peuple et les gens de loi se retirèrent dans leurs maisons, en blâmant le roi d’avoir eu l’imprudence de consacrer la fureur de sa