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CONTES ORIENTAUX

lesquelles il y avait une prodigieuse quantité de lampes qui étaient fort bien arrangées, et qui répandaient une si grande lumière que toute la cour en était éclairée. À quinze coudées de la tour s’élevait un échafaud tout couvert de satin blanc[1], et autour duquel régnaient plusieurs pavillons de taffetas de la même couleur. Derrière ces tentes, deux mille soldats de la garde d’Altoun-Kan, l’épée nue et la hache à la main, formaient une double haie qui servait de barrière au peuple. Calaf regardait avec attention tout ce qui s’offrait à sa vue, lorsque tout à coup la triste cérémonie dont on voyait l’appareil commença par un bruit confus de tambours et de cloches, qui, du haut de la tour, se faisaient entendre de fort loin. En même temps, vingt mandarins et autant de gens de loi, tous vêtus de longues robes de laine blanche, sortirent du palais, s’avancèrent vers l’échafaud, et après en avoir fait trois fois le tour, allèrent s’asseoir sous les pavillons.

Ensuite parut la victime, ornée de fleurs entrelacées de feuilles de cyprès, avec une banderole bleue sur la tête, et non une banderole rouge[2], comme les criminels que la justice a condamnés. C’était un jeune prince qui avait à peine dix-huit ans ; il était accompagné d’un mandarin qui le tenait par la main, et suivi par l’exécuteur. Ils montèrent tous trois sur l’échafaud : aussitôt le bruit des tambours et des cloches cessa. Le mandarin alors adressa la parole au prince, d’un ton de voix si haut que la moitié du peuple l’entendit : « Prince, lui dit-il, n’est-il pas vrai qu’on vous a fait savoir la teneur de l’édit du roi dès que vous vous êtes présenté pour demander la princesse en mariage ?

  1. Le blanc chez les Chinois est une marque de deuil.
  2. En Chine, les criminels qu’on mène au supplice ont une banderole rouge sur la tête.