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LES MILLE ET UN JOURS

que les princes qui n’en peuvent pénétrer le sens sont tous de petits génies ou des ignorants. — Non, non, repartit la vieille, il n’y a point d’énigme plus obscure que les questions de la princesse et il est presque impossible d’y bien répondre. »

Pendant qu’ils s’entretenaient ainsi de Tourandocte et de ses amants infortunés, le petit garçon qu’on avait envoyé au marché revint chargé de provisions. Calaf s’assit à une table que la veuve lui dressa, et mangea comme un homme qui mourait de faim. Sur ces entrefaites, la nuit arriva, et bientôt on entendit dans la ville les timbales de la justice[1]. Le prince demanda ce que signifiait ce bruit. « C’est, lui dit la vieille, pour avertir le peuple qu’on va exécuter quelqu’un à mort, et le malheureux qui doit être immolé est ce prince que je vous ai dit qui devait cette nuit perdre la vie pour avoir mal répondu aux questions de la princesse. On a coutume de punir les coupables pendant le jour ; mais ceci est un cas particulier. Le roi dans son cœur déteste le supplice qu’il fait souffrir aux amants de sa fille, et il ne veut pas que le soleil soit témoin d’une action si cruelle. » Le fils de Timurtasch eut envie de voir cette exécution, dont la cause lui paraissait bien singulière, il sortit de la maison de son hôtesse, et rencontrant dans la rue une grande foule de Chinois, que la même curiosité animait, il se mêla parmi eux, et se rendit dans la cour du palais où se devait passer une si tragique scène.

Il vit au milieu un schebtcheraghe, autrement une tour de bois fort élevée, dont le dehors, du haut jusqu’en bas, était couvert de branches de cyprès, parmi

  1. On bat des timbales au moment de faire une exécution capitale.