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CONTES ORIENTAUX

XXXV

Calaf fut fort attentif au récit de la vieille. « Je ne comprends pas, lui dit-il, après qu’elle eut achevé de parler, comment il se trouve des princes assez dépourvus de jugement pour aller demander la princesse de la Chine. Quel homme ne doit pas être effrayé de la condition sans laquelle on ne saurait l’obtenir ! D’ailleurs, quoi qu’en puissent dire les peintres qui en ont fait le portrait, quoiqu’ils assurent que leur ouvrage n’est qu’une image imparfaite de sa beauté, je crois plutôt qu’ils lui ont prêté des charmes, et que leurs peintures sont flatteuses, puisqu’elles ont produit des effets si puissants. Enfin, je ne puis penser que Tourandocte soit aussi belle que vous le dites. — Seigneur, répliqua la veuve, elle est encore plus charmante que je ne vous l’ai dit, et vous pouvez m’en croire, car je l’ai vue plusieurs fois en allant voir ma fille au sérail. Faites-vous, si vous voulez, une idée à plaisir ; rassemblez dans votre imagination tout ce qui peut contribuer à composer une beauté parfaite, et soyez persuadé que vous ne sauriez vous représenter un objet qui approche la princesse. »

Le prince des Nogaïs ne pouvait ajouter foi au discours de son hôtesse, tant il le trouvait hyperbolique ; il en ressentait pourtant, sans savoir pourquoi, un secret plaisir. « Mais, ma mère, reprit-il, les questions que propose la fille du roi sont-elles si difficiles qu’on ne puisse y répondre d’une manière qui satisfasse les gens de loi qui en sont les juges ? Pour moi, je m’imagine