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CONTES ORIENTAUX

mon époux ; mais que s’il répond mal, on lui tranchera la tête dans la cour de votre palais.

Par cet édit, ajouta-t-elle, qu’on fera savoir aux princes étrangers qui arriveront à Pékin, on leur ôtera l’envie de me demander en mariage, et c’est ce que je souhaite ; car je hais les hommes et ne veux point me marier. — Mais, ma fille, lui dit le roi, si quelqu’un, méprisant mon édit, se présente et répond juste à vos questions… — Oh ! c’est ce que je ne crains pas, interrompit-elle avec précipitation ; j’en sais faire de si difficiles, que j’embarrasserais les plus grands docteurs ; j’en veux bien courir le risque. » Altoun-Kan rêva quelque temps à ce que la princesse exigeait de lui : « Je vois bien, dit-il en lui-même, que ma fille ne veut point se marier, et qu’en effet cet édit épouvantera tous ses amants ; ainsi je ne hasarde rien en lui donnant cette satisfaction ; il n’en peut arriver aucun malheur : quel prince serait assez fou pour affronter un si affreux péril ? »

Enfin le roi, persuadé que cet édit n’aurait point de mauvaises suites, et que l’entière guérison de sa fille en dépendait, le fit publier, et jura sur les lois de Berginghuzin de le faire exactement observer. Tourandocte, rassurée par ce serment sacré, qu’elle savait que le roi son père n’oserait violer, reprit ses forces et jouit bientôt d’une parfaite santé.

Cependant le bruit de sa beauté attira plusieurs jeunes princes étrangers à Pékin. L’on eut beau leur faire savoir la teneur de l’édit, comme tout le monde a bonne opinion de son esprit, et surtout les jeunes gens, ils eurent l’audace de se présenter pour répondre aux questions de la princesse, et n’en pouvant percer le sens obscur, ils périrent tous misérablement l’un après l’autre. Le roi, il faut lui rendre cette justice,