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LES MILLE ET UN JOURS

que tous les docteurs ensemble. Mais ses belles qualités sont effacées par une dureté d’âme sans exemple : elle ternit son mérite par une détestable cruauté.

Il y a deux ans que le roi de Thibet l’envoya demander en mariage pour le prince son fils, qui en était devenu amoureux sur un portrait qu’il en avait vu. Altoun-Kan, ravi de cette alliance, la proposa à Tourandocte. Cette fière princesse, à qui tous les hommes paraissaient méprisables, tant sa beauté l’a rendue vaine, rejeta la proposition avec dédain. Le roi se mit en colère contre elle, et lui déclara qu’il voulait être obéi. Mais, au lieu de se soumettre de bonne grâce aux volontés de son père, elle pleura de dépit de ce qu’on prétendait la contraindre. Elle s’affligea sans modération, comme si l’on eût envie de lui faire un grand mal : enfin, elle se tourmenta de manière qu’elle tomba malade. Les médecins, connaissant la cause de sa maladie, dirent au roi que tous leurs remèdes étaient inutiles, et que la princesse perdrait infailliblement la vie s’il s’obstinait à lui vouloir faire épouser le prince de Thibet. Alors le roi, qui aime sa fille éperdument, effrayé du péril où elle était, l’allâ voir et l’assura qu’il renverrait l’ambassadeur de Thibet avec un refus. « Ce n’est pas assez, seigneur, lui dit la princesse, j’ai résolu de me laisser mourir, à moins que vous ne m’accordiez ce que j’ai à vous demander. Si vous souhaitez que je vive, il faut que vous vous engagiez par un serment inviolable à ne point gêner mes sentiments, et que vous fassiez publier un édit par lequel vous déclarerez que, de tous les princes qui me rechercheront, nul ne pourra m’épouser qu’il n’ait auparavant répondu pertinemment aux questions que je lui ferai devant tous les gens de loi qui sont dans cette ville ; que s’il y répond bien, je consens qu’il soit