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CONTES ORIENTAUX

Ils allèrent donc à la horde où demeurait le kan de Berlas. Ils entrèrent sous une grande tente qui servait d’hôpital aux pauvres étrangers, et ils se couchèrent dans un coin, fort en peine de ce qu’ils feraient pour subsister. Calaf laissa son père et sa mère en cet endroit, sortit et s’avança dans la horde en demandant la charité aux passants ; il en reçut une petite somme d’argent, dont il acheta des provisions, qu’il porta sur la fin du jour à son père et à sa mère. Ils ne purent tous deux s’empêcher de pleurer quand ils surent que leur fils venait de demander l’aumône. Calaf s’attendrit avec eux et leur dit : « Rien, je l’avoue, ne me paraît plus mortifiant que d’être réduit à mendier : cependant, si je ne puis autrement vous procurer du secours, je le ferai, quelque honte qu’il m’en coûte. Mais, ajouta-t-il, vous n’avez qu’à me vendre comme un esclave, et de l’argent qui vous en reviendra, vous aurez de quoi vivre longtemps. — Que dites-vous, mon fils ? s’écria Timurtasch à ce discours. Vous nous proposez de vivre aux dépens de votre liberté ! Ah ! dure plutôt toujours l’infortune qui nous accable ! S’il faut vendre quelqu’un de nous trois pour secourir les deux autres, c’est moi ; je ne refuse point de porter pour vous deux le joug de la servitude.

— Seigneur, reprit Calaf, il me vient une pensée : demain matin j’irai me mettre parmi les portefaix ; quelqu’un m’emploiera, et nous vivrons ainsi de mon travail. » Ils s’arrêtèrent à ce parti. Le jour suivant le prince se mêla parmi les portefaix de la horde, et attendit que quelqu’un voulût se servir de lui ; mais il arriva par malheur que personne ne l’employa ; de manière que la moitié de la journée était déjà passée qu’il n’avait encore rien gagné. Cela l’affligeait fort : « Si je ne fais pas mieux mes affaires, dit-il en