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LES MILLE ET UN JOURS

avait une fermeté d’âme inébranlable. L’extrême affliction que le kan et sa femme faisaient éclater était sa plus grande peine. « Ô mon père ! ô ma mère, leur disait-il, ne succombez point à vos malheurs. Songez que c’est Dieu qui veut que vous soyez si misérables. Soumettons-nous sans murmure à ses ordres absolus. Sommes-nous les premiers princes que la verge de sa justice ait frappés ? Combien de souverains avant nous ont été chassés de leurs États, et après avoir mené une vie errante et passé même pour les plus vils mortels dans des terres étrangères, sont remontés sur leurs trônes ! Si Dieu a le pouvoir d’ôter les couronnes, il peut aussi les rendre. Espérons donc qu’il sera touché de notre misère, et qu’il fera succéder la prospérité à la déplorable situation où nous sommes. »

Il ajouta plusieurs autres paroles consolantes, et à mesure qu’il parlait, son père et sa mère, attentifs à son discours, sentaient une secrète consolation. Ils se laissèrent enfin persuader. « Je le veux, mon fils, dit le kan, abandonnons-nous à la Providence, et puisque les maux qui nous environnent sont tracés sur la table fatale, souffrons-les donc sans nous plaindre. » À ces mots, ce prince, sa femme et son fils, résolus d’avoir de la fermeté dans leur malheur, continuèrent leur chemin à pied, car les voleurs leur avaient ôté leurs chevaux. Après plusieurs jours de marche, ils arrivèrent sur les terres de la tribu de Berlas.

Le kan était exténué ; il déclara ne pouvoir aller plus loin. « Seigneur, lui dit Calaf, ne désespérons point de voir finir nos maux. Allons à la principale horde de cette tribu, j’ai un pressentiment que notre fortune y pourra changer de face. »