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CONTES ORIENTAUX

mais comme dit le proverbe arabe : À quoi sert le repentir après la ruine de la ville de Basra ? Comme le temps pressait, et qu’il fallait se sauver de peur de tomber au pouvoir du sultan, le kan, la princesse Elmaze, sa femme, et Calaf, se chargèrent de tout ce qu’il y avait de plus précieux dans leur trésor, et sortirent d’Astracan, leur ville capitale, accompagnés de plusieurs officiers du palais qui ne voulurent point les abandonner, et des troupes qui s’étaient fait jour avec le jeune prince au travers des ennemis.

Ils prirent la route de la grande Bulgarie : leur dessein était d’aller mendier un asile chez quelque prince souverain. Il y avait plusieurs jours qu’ils étaient en marche, et ils avaient déjà gagné le mont Caucase, lorsque mille brigands, habitants de cette montagne, vinrent tout à coup fondre sur eux. Bien que Calaf eût à peine quatre cent hommes, il ne laissa pas de soutenir l’impétuosité des brigands ; il en tua même une grande partie ; mais il perdit toutes ses troupes, et demeura enfin au pouvoir de ces bandits, dont les uns se saisirent des richesses qu’ils trouvèrent, pendant que les autres ôtaient la vie à toutes les personnes qui suivaient le kan. Ils n’épargnèrent que ce prince, sa femme et son fils ; encore les laissèrent-ils presque nus au milieu de la montagne.

On ne peut exprimer quelle fut la douleur de Timurtasch, lorsqu’il se vit réduit à cette extrémité. Il enviait le sort de ceux qui venaient de périr à ses yeux, et se livrant à son désespoir, il voulait se donner la mort. La princesse, de son côté, fondait en pleurs et faisait retentir l’air de plaintes et de gémissements. Calaf seul avait la force de soutenir le poids d’une si mauvaise fortune ; pénétré des maximes de l’Alcoran et des sentences de Mahomet sur la prédestination, il