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LES MILLE ET UN JOURS

du sultan de Carizme, qui, dans l’audience qu’on lui donna, déclara que son maître prétendait qu’à l’avenir les Tartares-Nogaïs lui payassent un tribut tous les ans, autrement qu’il viendrait en personne les y forcer avec deux cent mille hommes, et ôter la couronne et la vie à leur souverain, pour le punir de ne s’être pas soumis de bonne grâce. Le kan, là-dessus, assembla son conseil. On mit en délibération si l’on payerait le tribut plutôt que d’en venir aux mains avec un si puissant ennemi, ou si l’on mépriserait ses menaces. Calaf et la plupart de ceux qui assistaient au conseil, furent de ce dernier avis, de sorte qu’on renvoya l’ambassadeur avec un refus.

Après cela, on envoya des députés chez les peuples voisins pour leur représenter l’intérêt qu’ils avaient de s’unir avec le kan contre le sultan de Carizme, dont l’ambition était excessive, et qui ne manquerait pas d’exiger aussi d’eux le même tribut, s’il y pouvait contraindre les Nogaïs. Les députés réussirent dans leur négociation ; les nations voisines, et entre autres les Circassiens, promirent de se joindre au kan, et de lui fournir cinquante mille hommes. Sur cette promesse, outre l’armée que ce prince avait ordinairement sur pied, il leva de nouvelles troupes.

Pendant que ces préparatifs se faisaient chez les Nogaïs, le sultan de Carizme, de son côté, assembla deux cent mille combattants, et passa le Jaxartes[1] à Cogende. Il traversa les pays d’Illac et de Saganac, où il trouva des vivres en abondance, et il s’avança jusqu’à Jund, avant que l’armée du kan commandée par le prince Calaf pût se mettre en campagne, parce

  1. Le Sir Daria ou Sihoun, fleuve de la Russie d’Asie, ancien Iaxarte