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CONTES ORIENTAUX

trône, le prit par la main et le mena dans son cabinet, où il lui dit : « Couloufe, ayez désormais l’esprit en repos et n’appréhendez plus la fortune. Vous n’éprouverez plus ses rigueurs ; vous ne serez point séparé de Dilara : vous vivrez dans ma cour, et vous tiendrez auprès de moi la place que vous occupiez à Caracorum auprès du roi Mirgehan. Quand, sur le rapport qu’on m’avait fait de votre fidélité pour votre femme, je vous allai voir par curiosité, vous me plûtes, et la confiance que vous eûtes en moi acheva de me déterminer à vous sauver la vie et à vous laisser uni pour jamais à l’objet que vous aimez : ce que j’ai voulu faire de la manière que vous l’avez vu. Les quarante chameaux que vous avez chez vous ont été tirés de mes écuries. J’ai fait acheter les étoffes qu’ils portaient, et ce Gioher qui les conduisait est un eunuque qui sort rarement du sérail. J’ai fait écrire par mon debirkasse[1] la lettre que vous avez reçue, et de peur que le courrier de Mouzaffer ne la vint démentir, j’envoyai hier audevant de lui, sur le chemin de Cogende, un de mes officiers, qui lui ordonna de ma part de faire à son maître un rapport tel que je le souhaitais : c’est un plaisir que je voulais me donner, et je l’ai eu tout entier. »

Aussitôt que le roi eût fini de parler, Couloufe se prosterna aux pieds de ce prince, le remercia de ses bontés, et promit d’en avoir toute sa vie une vive reconnaissance. Dès ce jour-là même, ce jeune homme amena au palais Dilara. Usbec-Kan leur donna un magnifique appartement, avec une pension considérable, et fit écrire l’histoire de leurs amours, par le meilleur écrivain de Samarcande. »

  1. Secrétaire du cabinet.