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LES MILLE ET UN JOURS

la crainte et l’espérance, se trouvait plus à plaindre que s’il n’eût eu rien à espérer. Il croyait voir sans cesse Taher et le cadi revenir détrompés et furieux ; chaque moment augmentait son inquiétude. Tandis qu’il était dans cette agitation, l’officier du roi, ce même homme, qui était venu chez lui deux jours auparavant, arriva. « Seigneur hulla, dit-il, en entrant, j’ai appris que vos malheurs sont finis et qu’enfin le ciel a jeté sur vous un regard favorable ; je viens vous en témoigner ma joie, et vous faire un reproche en même temps ; vous n’êtes pas sincère : pourquoi m’avez-vous trompé ? — Mon cher seigneur, répondit le fils d’Abdallah, je vous ai dit la vérité ; je ne suis point de Cogende, je suis de Damas, comme je vous l’ai déjà dit. Il y a longtemps que mon père est mort et que j’ai consumé tout le bien qu’il m’a laissé. — Cependant, reprit l’officier, on dit qu’il vous est arrivé quarante chameaux chargés de diverses sortes d’étoffes, et que Massaoud vous écrit, comme si vous étiez son propre fils. — Il est vrai, repartit Couloufe, que j’ai reçu sa lettre et ses marchandises, mais je ne suis pas pour cela son fils. » L’officier demanda de quelle manière s’était passée la chose, et quand le hulla eut fait ce détail, il lui dit : « Je crois, comme vous, que c’est une méprise, et que le fils de Massaoud est à Samarcande ; ainsi je suis d’avis que vous vous sauviez tous deux cette nuit. — C’est notre dessein, répondit Couloufe, pourvu que le cadi demeure jusqu’à demain dans l’erreur où il est, nous n’en demandons pas davantage. — Vous ne devez point avoir d’inquiétude là-dessus, répliqua l’officier ; il faut espérer que tout ira bien. Le ciel, sans doute, ne veut pas que vous périssiez, puisque par une aventure qui tient du miracle, il vous a dérobé au supplice qu’on vous préparaît. » À ces