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CONTES ORIENTAUX

Pendant que le conducteur des chameaux parlait ainsi, le cadi, Taher et son père prirent congé du fils d’Abdallah et s’en retournèrent chez eux, persuadés qu’il était effectivement fils de Massaoud : mais avant que de s’en aller, le juge congédia la garde qu’il avait donnée aux nouveaux époux. Après qu’ils se furent tous retirés, Couloufe retourna dans l’appartement où il avait laissé Dilara. Cette dame, par les soins de ses esclaves, était revenue de son évanouissement. Il lui conta ce qui venait de se passer et lui montra la lettre de Massaoud. Elle n’en eut pas achevé la lecture qu’elle s’écria : « Juste ciel ! c’est à vous qu’il faut rendre grâce de ce prodige étonnant ; vous avez eu pitié de deux amants fidèles dont vous avez formé les nœuds. — Madame, lui dit le fils d’Abdallah, il n’est pas encore temps de nous livrer à la joie. Nos peines ne sont pas finies ; que dis-je finies ? je suis plus que jamais dans le péril ; vous m’avez fait prendre le nom d’un homme qui est sans doute à Samarcande ; le fils de Massaoud doit être en cette ville : son père lui écrit et lui envoie quarante chameaux chargés de marchandises, sous la conduite de Gioher ; ce Gioher, qui n’a jamais vu apparemment le fils de son maître, aura suivi le courrier de Mouzaffer : il est aisé de comprendre le reste. Cette erreur, je l’avoue, nous serait favorable si elle pouvait durer longtemps ; rien ne nous empêcherait de prendre la fuite, parce que désormais nous ne serons plus observés ; mais la nouvelle de l’arrivée des chameaux s’est déjà répandue dans Samarcande ; le véritable fils de Massaoud l’apprendra et ira trouver le cadi, qu’il désabusera. Que sais-je si dans un moment ce juge ne reviendra pas me chercher pour me traîner au supplice ? »

C’est ainsi que raisonnait Couloufe, qui, flottant entre