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LES MILLE ET UN JOURS

seule que doit tomber le châtiment ; c’est ta femme qui t’a rendu parjure et qui t’a suggéré le mensonge qu’on veut que ta mort expie, c’est donc à moi de servir de victime ; il est juste du moins que je sois aussi punie. Allons, marchons au lieu où ton supplice s’apprête ; je veux faire connaître à tout le monde que j’aime mieux périr avec toi que de te survivre. »

Le fils d’Abdallah combattit le dessein de la dame. Il la conjura de ne pas lui donner une si funeste marque de sa tendresse ; et Dilara de son côté, s’obstinant à vouloir mourir avec lui, le priait de ne pas s’opposer à sa résolution. Pendant qu’ils ne pouvaient s’accorder là-dessus, ils entendirent un grand bruit à la porte de la rue, et bientôt ils virent entrer dans la cour le cadi, suivi de plusieurs personnes, parmi lesquelles étaient Mouzaffer et son fils. À cette vue, la fille de Boyruc s’évanouit ; et pendant qu’elle était entre les bras de quelques esclaves qui s’empressaient de la secourir, Couloufe profita de ce moment et courut au-devant du cadi. Mais ce juge, bien loin de le venir chercher pour le conduire à la mort, lui fit la révérence, et lui dit d’un air riant : « Seigneur, le courrier qu’on avait envoyé à Cogende est arrivé accompagné d’un domestique de Massaoud votre père, qui vous envoie quarante chameaux chargés d’étoffes, de linge fin, et d’autres marchandises. Nous ne doutons plus que vous ne soyez fils de ce riche marchand, et nous vous prions d’oublier le mauvais traitement que nous vous avons fait. »

Après que le juge eut tenu ce discours, qui causa un extrême étonnement à Couloufe, Mouzaffer et son fils témoignèrent à ce hulla qu’ils étaient fâchés des coups de bâton qu’il avait reçus. « Je renonce, lui dit Taher, aux prétentions que j’avais sur Dilara. Je