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CONTES ORIENTAUX

XXIX

Ces malheureux époux s’attendrirent l’un et l’autre en rappelant toute l’horreur de leur destinée, et passèrent les deux jours suivants à gémir et à se lamenter. Ils songèrent pourtant aux moyens de se sauver : ils tentèrent la fidélité de leurs gardes, mais ils les trouvèrent incorruptibles. Ainsi le quinzième jour arriva, jour auquel devait revenir le courrier de Cogende, qu’ils craignaient autant tous deux qu’il était ardemment souhaité du fils de Mouzaffer.

Dès que les premiers rayons de ce jour terrible vinrent éclairer l’appartement de Couloufe, ce jeune homme, croyant voir la lumière pour la dernière fois, se leva pour aller à la mort. Il regarda sa femme avec des yeux où étaient peints la douleur et le désespoir, et lui dit d’une voix presque éteinte : « Adieu, je vais remplir mon destin et porter ma tête au cadi ; pour vous, belle Dilara, vivez et souvenez-vous quelquefois d’un homme qui vous a si tendrement aimée. — Ah ! Couloufe, répondit la dame en fondant en larmes, vous allez mourir, et vous m’exhortez à vivre ! pensez-vous que la vie puisse avoir des charmes pour moi ? Cruel ! tu veux donc que je traîne des jours languissants et déplorables ? Non, non, je veux t’accompagner et descendre avec toi dans le tombeau. Taher, l’odieux Taher, verra périr ce qu’il aime avec ce qu’il hait : Il n’aura pas lieu de se réjouir de ton trépas. Hé ! pourquoi faut-il que tu meures ? c’est sur moi