Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
LES MILLE ET UN JOURS

Les esclaves, après le repas, apportèrent du vin rouge de Chiras, du vin blanc de Kismische, et du rossoli ambré, nommé raqui-moamber ; ensuite les parfums furent présentés à la ronde. Et alors, la dame s’étant fait donner un tambour de basque, commença d’en jouer en chantant un air sur le monde uzzal. Après cela elle demanda un luth, elle l’accorda et en joua d’une manière qui charma l’officier du roi ; puis elle prit une guitarre et chanta sur le mode nava, dont on se sert pour pleurer l’absence des amants.

C’était une chanson qu’elle avait composée à Caracorum, après la disgrâce de Couloufe. Mais elle ne put la chanter sans retracer à l’esprit de cet amant des images qui l’attendrirent. Ce jeune homme tomba dans une profonde rêverie, et bientôt se mit à pleurer amèrement.

L’officier du roi en fut surpris et lui demanda quel était le sujet de ses pleurs. « Hélas ! répondit le fils d’Abdallah, de quois vous servira d’en savoir la cause ? Il ne vous est pas moins inutile de l’apprendre qu’à moi de vous le dire. Je viens de rappeler dans ma mémoire mes malheurs passés, et je ne puis songer à ceux qui me menacent sans être pénétré de la plus vive douleur. » Cette réponse ne satisfit point l’officier du roi : « Jeune étranger, dit-il, au nom de Dieu, racontez-moi vos aventures. Ce n’est point par curiosité que je veux les entendre ; je me sens disposé à vous servir, et peut-être ne vous repentirez-vous point de m’avoir fait cette confidence. Dites-moi qui vous êtes ; je vois bien que vous ne manquez pas de naissance, parlez et ne me déguisez rien. — Seigneur, reprit Couloufe, mon histoire est un peu longue et pourra vous ennuyer. — Non, non, dit l’officier ; je vous prie