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CONTES ORIENTAUX

XXVIII

L’aventure du hulla, quelques soins qu’eussent apportés Mouzaffer et son fils pour la rendre secrète, fit tant de bruit dans Samarcande que plusieurs honnête gens voulurent voir les deux personnes que l’amour avait si fortement unies : de sorte que Couloufe et Dilara, en butte à la curiosité publique, recevaient tous les jours de nouvelles visites.

Un jour entre autres, il entra chez eux un homme de bonne mine, qui leur dit qu’il était un officier du roi ; qu’il avait appris ce qui s’était passé chez le cadi, et qu’il venait les assurer qu’il s’intéressait à leur fortune ; enfin il leur offrit ses services de si bonne grâce, et il sut si bien leur persuader qu’il entrait dans leurs intérêts qu’ils crurent ne pouvoir lui témoigner trop de reconnaissance. Ils le prièrent de manger avec eux ; et pour lui marquer l’extrême considération qu’ils avaient pour lui, Dilara ôta son voile, de sorte que l’officier, étonné de la beauté de la dame, ne put s’empêcher de s’écrier : Ah ! seigneur hulla, je ne suis pas surpris de la fermeté que vous avez fait paraître chez le juge. Ils s’assirent tous trois à une table courte de plusieurs mets. Il y avait toutes sortes de pilau, du bogra où il entrait du gingembre, du poivre long, du noir et du blanc avec du beurre frais, du rischtéypoulad composé de safran, de vinaigre, de miel et de térébenthine ; et un jouschberré, c’est-à-dire un agneau à l’étuvée, dont le dombé, ou la queue, rempli d’herbes aromatiques, faisait un plat particulier.