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LES MILLE ET UN JOURS

pour attendre en cette ville que nous ayons reçu des nouvelles de Cogende ? quelle erreur ! persuadez-vous plutôt qu’il a dessein de sortir de Samarcande, et qu’il engagera peut-être la dame à le suivre ; mais que dis-je ? peut-être leur complot est déjà fait ; et ils ne veulent sans doute changer de demeure que pour pouvoir aisément exécuter leur résolution. — Cela n’est pas impossible, repartit le cadi ; mais j’y mettrai ordre. En quelque endroit de la ville qu’ils prennent un logement, je me charge de les faire observer par une garde nombreuse et vigilante qui m’en rendra bon compte. »

Couloufe et Dilara eurent donc la liberté de quitter la maison de Mouzaffer. Ils en sortirent dès ce jour-là même pour aller demeurer dans un caravansérail. Ils achetèrent quelques esclaves pour les servir. Ils ne manquaient ni d’argent ni de quoi en faire ; car la dame avait une dot considérable avec une assez grande quantité de pierreries. Ils ne songèrent d’abord qu’à se réjouir. Le plaisir de pouvoir sans contrainte s’abandonner à leur amour les empêcha les premiers jours de faire les tristes réflexions que l’état où ils étaient devait leur inspirer. Ils vivaient comme si le cadi ne leur eût pas donné de garde et qu’ils eussent pu facilement se sauver, ou comme si Couloufe eût été véritablement fils de Massaoud, et qu’ils eussent attendu des nouvelles agréables de Cogende.