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CONTES ORIENTAUX

elle est ; et je déclare que si elle dément le hulla, elle sera répudiée sur-le-champ. »

Le nayb s’acquitta de sa commission avec beaucoup de diligence, il amena la dame chez le juge, qui ne la vit pas sitôt paraître qu’il lui demanda si elle souhaitait sortir de chez Mouzaffer, et si elle avait plus d’inclination pour le hulla que pour son premier mari. Taher ne doutait point qu’elle ne prononçât en sa faveur ; et cédant à un mouvement de joie dont il ne fut pas maître, il prit la parole avant qu’elle répondît : « Parlez, madame, dit-il, vous n’avez qu’à déclarer vos véritables sentiments, et vous serez dès aujourd’hui délivrée de ce que vous haïssez. — Puisqu’on me donne cette assurance, dit la fille de Boyruc, je vais ne rien vous déguiser. Mon second mari, le fils de Massaoud, a toute ma tendresse, et je supplie très humblement le seigneur cadi d’ordonner qu’il nous soit permis de loger ailleurs que chez Mouzaffer. — Oh ! oh ! dit alors le juge en s’adressant au premier mari, vous voyez que le hulla n’a rien avancé témérairement ; il était bien sûr de son fait. — Ah ! la traîtresse ! s’écria Taher, tout étourdi de l’aveu sincère de la dame : comment a-t-elle pu se laisser séduire depuis hier ? — J’en suis fâché pour l’amour de vous, reprit le cadi, car je ne puis me dispenser de leur permettre d’aller loger où il leur plaira. — Vous laisserez donc triompher cet étranger, lui dit Taher, et sans savoir s’il est véritablement le fils de Massaoud, vous souffrirez qu’il possède tranquillement Dilara ? — Non, répondit le juge ; s’il n’est pas en effet ce qu’il dit, si c’est un misérable, je le ferai mourir pour nous avoir trompés. — Et vous vous imaginez, répliqua le fils de Mouzaffer, que s’il a sujet de craindre le châtiment dont vous le menacez, il sera assez sot