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LES MILLE ET UN JOURS

Mouzaffer, et que s’il s’y opposait, ils en demanderaient la permission au cadi. Cela étant arrêté entre eux, le fils d’Abdallah alla trouver sur-le-champ Mouzaffer et son fils. Il leur dit que, dès ce jour-là, il voulait changer de demeure ; qu’il prétendait, puisque les lois le rendaient maître de sa femme, disposer d’elle à son gré et la mener où il lui plairait. Mouzaffer et son fils ne manquèrent pas de s’y opposer ; Taher surtout protesta qu’il ne consentirait pas que Dilara sortit de chez lui, Couloufe de son côté n’en démordit point, de sorte qu’il fallut avoir recours au cadi.

Ce juge, informé du sujet qui les ramenait devant lui, demanda au hulla pourquoi il avait envie de quitter la maison de Mouzaffer. « Monseigneur, lui répondit le fils d’Adallah, j’ai ouï dire souvent à Massaoud, mon père, que lorsqu’on demeure avec ses ennemis, il faut s’en séparer le plus tôt possible : ainsi je voudrais aller vivre ailleurs en attendant des nouvelles de Cogende. Ma femme le souhaite autant que moi. — Ah ! le menteur, s’écria Taher en cet endroit, Dilara gémit, Dilara est en pleurs depuis que ce misérable est son mari, et il a l’impudence de dire qu’elle s’ennuie chez moi ! — Oui, je l’ai dit, reprit Couloufe, et je le dis encore : ma femme m’aime et ne désire rien avec plus d’ardeur que de s’éloigner de vous. Si cela n’est pas vrai, si elle a d’autres sentiments, je suis prêt à la répudier tout à l’heure. — Seigneur cadi, dit alors Taher, vous l’entendez, je le prends au mot : ordonnez que Dilara vienne ici et qu’elle s’explique là-dessus. — J’y consens, dit le juge : Allez, nayb, ajouta-t-il en se tournant vers Danischemend, qui était présent, transportez-vous chez Mouzaffer, et dites à Dilara que je veux lui parler : amenez-la ici dans un moment, nous verrons bien dans quelle disposition