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CONTES ORIENTAUX

espérance ; attendons tout du ciel, je me flatte qu’il voudra bien me secourir ; je sens même déjà un effet de sa bonté, mon courage redouble, et il n’est point de péril qui puisse me faire trembler. »

En parlant de cette sorte, il s’habilla, ouvrit la porte et suivit les gens du cadi qui le menèrent à leur maître. Mouzaffer et son fils les accompagnaient et paraissaient pleins d’inquiétudes. D’abord que le juge aperçut Couloufe : « Eh bien, hulla ! lui dit-il, dans quelle disposition es-tu aujourd’hui ? N’es-tu pas plus sage qu’hier ? Faudra-t-il te donner de nouveaux coups de bâton pour te faire répudier ta femme ? Je ne le crois pas : tu auras sans doute fait des réflexions salutaires et pensé qu’un homme de rien, comme toi, ne doit point s’obstiner à vouloir conserver une femme qui ne peut être à lui. — Monseigneur, dit Couloufe, puisse la vie d’un juge tel que vous, durer plusieurs siècles, mais je ne suis pas un homme de rien. Ma naissance n’est point obscure, comme vous vous l’imaginez ; et puisqu’il faut enfin que je me fasse connaître, sachez que je me nomme Rukneddin et que je suis fils unique d’un marchand de Cogende appelé Massaoud. Mon père est encore plus riche que Mouzaffer, et s’il savait l’état où je me trouve, il m’enverrait bientôt tant de chameaux chargés d’or que toutes les femmes de Samarcande envieraient le bonheur de celle que j’ai épousée. Quoi donc ! parce que des voleurs m’ont volé et dépouillé auprès de cette ville, et que je me suis retiré dans une mosquée pour subsister, vous concluez de là que je ne suis qu’un homme de rien ! Oh ! je vous ferai bien voir que vous vous trompez. Je vais incessamment écrire à mon père, et il n’aura pas plutôt reçu de mes nouvelles, qu’il me fera tenir en cette ville des richesses infinies. »