Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
CONTES ORIENTAUX

lois ; je m’engage de la meilleure foi du monde, et lorsque je suis engagé, on prétend que je répudie ma femme ! Cessez, seigneur nayb, cessez de me proposer une action si indigne d’un honnête homme, ou bien mettrai de la terre sur ma tête[1], j’irai me jeter au pied d’Usbec-Kan, et nous verrons ce qu’il ordonnera. »

Le lieutenant du cadi, à ces paroles, tira Mouzaffer à part et lui dit : « Vous avez voulu prendre cet étranger pour hulla, vous ne pouviez faire un plus mauvais choix. Il refuse de répudier sa femme ; mais je vois bien que c’est un homme qui ne sait où donner de la tête, et qui voudrait vous obliger à lui faire quelque présent considérable. — Oh ! s’il ne tient qu’à cela, dit Mouzaffer, il sera bientôt content. Offrez-lui cent sequins d’or et qu’il sorte de la ville avec toute la diligence et tout le secret que j’exige de lui. — Non, non, seigneur Mouzaffer, s’écria Couloufe en l’entendant parler ainsi, vous avez beau doubler la somme, vous me donneriez dix mille sequins, vous y ajouteriez même inutilement les plus riches étoffes de vos magasins, je ne romprai point un si saint engagement. — Jeune homme, lui dit alors Danischemend, vous ne prenez pas le bon parti dans cette affaire ; je vous conseille d’accepter les cent sequins d’or et de répudier votre femme sans différer ; car si vous nous réduisez à la nécessité de rendre cette aventure publique, vous vous en repentirez sur ma parole. — Vos menaces, répliqua le fils d’Abdallah, ne m’épouvantent point. Vous ne sauriez m’obliger à détruire

  1. Lorsque les Orientaux veulent donner des marques publiques d’une extrême douleur, ils si revêtent d’un sac, et se couvrent la tête de terre et de cendres.