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LES MILLE ET UN JOURS

qui leur fit une profonde révérence. Ils l’obligèrent de s’asseoir auprès d’eux à une table, et on leur servit entre autres mets, des potages de jus de mouton.

Après le repas, Danischemend prit Couloufe en particulier, et lui présentant cinquante sequins d’or, avec un turban magnifique plié dans un paquet : « Tiens, jeune homme, lui dit-il, voilà ce que le seigneur Mouzaffer te donne ; il te remercie du plaisir que tu lui as fait, et il le prie de ne pas demeurer plus longtemps à Samarcande. Répudie donc ta femme, sors de cette ville, et si quelqu’un te demande : As-tu vu le chameau[1] ? dis que non. »

XXIV

Le nayb s’imaginait que le hulla, pénétré des bontés de Mouzaffer, allait se répandre en discours pleins de reconnaissance, et il fut fort surpris de sa réponse. « Je croyais, répondit Couloufe en jetant loin de lui le paquet et les sequins, que la justice, la bonne foi et la religion régnaient à Samarcande, surtout depuis qu’Usbec-Kan est parvenu à la Tartarie ; mais je m’aperçois que je me suis trompé, ou plutôt qu’on trompe le roi. Il ne sait pas que, dans la ville même où il fait son séjour, on veut tyranniser les étrangers. Quoi donc, j’arrive à Samarcande, un marchand s’adresse à moi, m’invite à dîner chez lui, me caresse, me fait épouser une dame suivant les

  1. Façon de parler dès Orientaux pour dire : « Garde secret. »